LES FABRIQUES DE LA TRADUCTION

Saisir les processus de création et de légitimation des littératures au prisme de la traduction



La traduction, à la fois processus de transfert linguistique conditionné et objet culturel, a toujours joué un rôle essentiel tant dans la circulation des savoirs, des narrations et des imaginaires que dans leur transformation. Sa pratique, quoique diversement exercée, conçue et réglementée selon les époques, a été confrontée à des normes et à des impératifs narratifs et commerciaux qui en ont orienté non seulement la charpente linguistique, mais aussi la fonction culturelle, sociale et politique, participant souvent au “reclassement” générico-sériel des récits.
 
Le projet de recherche international « Les fabriques de la traduction » vise à interroger la pratique traductive à partir d'un corpus issu des productions littéraires « non légitimées » pour adultes et pour enfants (productions sérielles, fictions policières, romans sentimentaux, bandes dessinées, romans graphiques, fantasy, mangas, romans-photos, sagas historiques etc.) en essayant de reconstruire, notamment par le biais des archives éditoriales, les conditions matérielles de son exercice et d'en mesurer la portée créative et l’impact narratif et culturel.
 
Cette approche de l'étude de la traduction entend ouvrir à une meilleure compréhension des dynamiques de construction et de circulation transnationales des récits et, en même temps, animer une réflexion théorique capable de repenser certaines notions centrales de la théorie de la traduction – fidélité, respect, équivalence... –, trop souvent établies exclusivement à partir de corpus de littératures « légitimées ». Car, comme l'a écrit Meschonnic (1990), « il y a du palimpseste dans la traduction », mais ce qu'on voit en grattant ce n'est pas le texte original, « c'est le traduire » : son historicité, le système discursif dans le cadre duquel il surgit et qu'il alimente, son potentiel créateur et sa relation à une poétique.

À l’aide de cas d’études concrets, issus d’aires linguistiques et culturelles différentes, il s’agit de se pencher sur les pratiques de traduction à partir de l’examen des conditions de production et des modes de diffusion, en interrogeant la traduction sous un angle élargi, qui met en avant sa dimension processuelle et créative et réintègre la position du sujet traduisant, qu’il faut parfois repenser en tant que sujet collectif ou sujet éditorial.

Les productions sur lesquelles portent les études de l’équipe sont issues, dans un premier temps, de deux corpus narratifs spécifiques (dont l’identité et l’homogénéité seront questionnées) : les fictions criminelles et les littératures de jeunesse. Existe-t-il des pratiques et des “normes” de traduction spécifiques aux productions criminelles et de jeunesse ? Est-il possible de dégager plus largement des tendances distinctives de la traduction des littératures non légitimées ? Quel est le rôle de la traduction dans le processus de sérialisation narrative et de création générique ? Quel est son impact sur l’identité du sujet traduisant ? Quels sont les effets des traductions (et des retraductions) sur la légitimation d’une œuvre ou d’une auteur ou autrice ? Comment les pratiques traductives changent-elles selon les degrés de consécration et légitimation d’une œuvre ou d’une auteur ou autrice?

L’analyse du corpus emprunte les approches de la sociologie de la traduction et des études culturelles dans le but d’étudier le processus d’édition des traductions, les relations entre décisions traductives et contraintes éditoriales, les enjeux extra-textuels qui entrent dans la production et circulation des récits. Cette approche, résolument transdisciplinaire, permet d’aborder les traductions dans leur contexte de production et de réception. Elle allie l’analyse des stratégies, des choix et des modalités de traduction à la recherche d’archives (éditoriales ou auctoriales) et à des études de terrain à réaliser auprès des acteurs et les actrices engagées dans les processus étudiés.

Le projet “Les fabriques de la traduction” est mené en partenariat avec :
  • BiLiPo, Bibliothèque des littératures policières
  • IMEC, Institut Mémoires de l’édition contemporaine 
  • Le fonds patrimonial de l’Heure joyeuse (Médiathèque Françoise-Sagan, Paris 10e)
  • Fondazione Arnoldo e Alberto Mondadori

MANIFESTATIONS

Journées d'études
La traduction de la littérature pour la jeunesse au prisme des archives. Fonds, agents et politiques éditoriales, 6-7 juin 2023, Université Paris Nanterre
Les Fabriques de la traduction. Traduction et production populaire et médiatique, 29 juin 2022, Université Paris Nanterre

Conférences
Delia Guijarro Arribas, Traduction et adaptation pour la petite enfance : la cas de Léo et Popi, 2 février 2024, Université Paris Nanterre
Benoît Crucifix, Traduction et transmédiatisation de la bande dessinée de presse : le cas de Gasoline Alley, 19 janvier 2024, Université Paris Nanterre
Enrico Monti, La retraduction, ou l'exercice de la pluralité, 10 novembre 2023, Université Paris Nanterre
Benoît Tadié, Réception et traduction du roman noir américain en France : le cas de Horace McCoy, 16 février 2023, Université Paris Nanterre

Résidences
FONDAZIONE ARNOLDO E ALBERTO MONDADORI
, 5-8 mars 2024.
FONDAZIONE ARNOLDO E ALBERTO MONDADORI, 17-19 octobre 2023.
IMEC, Insitut Mémoires de l'Édition contemporaine, 13-16 juin 2023.

Mis à jour le 26 mars 2024