Au Québec, où l’inclusion des femmes dans la langue est bien implantée, les avancées et débats actuels portent sur les néologismes neutres. L’usage de ces néologismes connaît une véritable explosion sur la scène littéraire, notamment mais non exclusivement en traduction depuis l’anglais.
De fait, les pratiques ayant court en anglais constituent une source d’inspiration pour l’écriture au neutre en français, tant dans le choix des textes à traduire que dans l’évocation du neutre anglais dans plusieurs textes écrits directement en français. Mais en même temps, d’une portée plus expérimentale, les néologismes retenus en français portent les marques d’une « créativité propre aux locutorats francophones concernés », issue des communautés de la diversité de genre (Crémier 2022).
Et si la traduction joue un rôle important dans la dissémination de ces néologismes, c’est surtout par sa fonction régulatrice qu’elle se distingue. Là où les textes écrits directement en français font preuve d’une grande variabilité, les textes en traduction montrent des usages plus réguliers. Ce faisant, ils contribuent à la stabilisation de l’écriture dégenrée. Entre expérimentation (souvent hétérolingue) et réguation, les possibles de la langue littéraire se redessinent.
Catherine Leclerc est professeure au département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill. Elle y enseigne les littératures des minorités linguistiques du Canada, la sociolinguistique et la traduction. Ses recherches ont surtout porté sur le plurilinguisme littéraire. Depuis quelques années, elle travaille à un projet sur l’écriture et la traduction inclusives subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Elle a fait paraître l’ouvrage Des langues en partage? Cohabitation du français et de l’anglais en littérature contemporaine (XYZ, 2010, prix Gabrielle-Roy) et codirigé le dossier sur le rap québécois publié en 2022 par la revue @nalyses. Sur l’écriture et la traduction inclusives, on peut la lire dans les revues Travail, genre et sociétés (2022, avec Michael David Miller) et Circuit (2024).